Discours de Georges Siffredi, Président du Département des Hauts-de-Seine, le 24 avril 2024
[24 avril 2024] - Georges Siffredi, Président du Département des Hauts-de-Seine

Discours de Monsieur Georges Siffredi, le 24 avril 2024, prononcé lors de la cérémonie de commémoration du 109e anniversaire du génocide des Arméniens organisée par le Club Franco-Arménien d’Antony (extraits).

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Discours de Monsieur Georges Siffredi, Président du Département des Hauts-de-Seine, le 24 avril 2024 prononcé lors de la cérémonie de commémoration du 109e anniversaire du génocide des Arméniens. Crédit : CD92/Willy Labre

Il y a 109 ans jour pour jour, le 24 avril 1915, 650 Arméniens – journalistes, enseignants, avocats, médecins – étaient arrêtés à Constantinople, puis déportés et, pour la plupart, assassinés. Ils n’avaient commis nul délit. Ils n’avaient enfreint aucune loi. Leur seule faute était d’être arméniens, citoyens d’un peuple millénaire et industrieux, qui avait tant contribué à la prospérité de l’empire ottoman. 

Ces exactions ne furent malheureusement que le commencement d’une entreprise délibérée et planifiée de destruction d’un peuple à travers toute l’Anatolie. Les hommes furent fusillés, les femmes et les enfants déportés à travers le désert, au cours de véritables marches de la mort. Assoiffés, affamés et humiliés, ils étaient chassés de leur terre par le gouvernement Jeunes-Turcs. 

Plus d’un siècle après, regarder l’horreur en face est un préalable pour rendre justice. Il faut, pour ce faire, rappeler la simple vérité, celle des faits établis. Oui, plus d’un million et demi d’Arméniens ont été mis à mort. Oui, ils l’ont été en tant que peuple, parce qu’ils incarnaient une minorité ethnique et religieuse. Oui, ce crime constitue un génocide, le premier du XXe siècle. Et si la qualification n’existait pas alors, elle en contenait bien toute l’horreur et les atrocités, des premières stigmatisations et des boycotts aux pillages et à la tentative d’extermination. 

En rendant hommage aux victimes du génocide arménien, la France est fidèle à elle-même, fidèle à ses valeurs, fidèle à l’amitié millénaire entre nos peuples fondée sur le christianisme, sur la langue et les idéaux de 1789, qui, partout où la discrimination était installée, ont su résonner.

Ce sont ces mêmes idéaux qui ont guidé notre pays dans la reconnaissance publique du génocide arménien par la loi du 29 janvier 2001. Cette dernière est le fruit du combat de quelques-uns, et notamment de mon ami Patrick Devedjian, lui qui fit ériger cet Aigle d’Arménie devant lequel nous nous recueillons pour commémorer le centenaire du génocide. 

C’est une nécessité pour exprimer notamment notre reconnaissance à ces enfants d’Arménie qui sont, pour beaucoup, devenus des fils et des filles de France, ces « Français de préférence » comme les appela Louis Aragon. Et l’année 2024 va honorer deux de ces grandes figures qui ont marqué l’amitié franco-arménienne, deux personnalités qui voient leur histoire se confondre avec le tragique de la grande Histoire. Je pense d’abord à Charles Aznavour, qui aurait fêté son 100e anniversaire en 2024, lui dont les chansons coïncident si souvent avec nos vies, lui qui a su faire rayonner le peuple français à travers le monde, mais aussi le peuple arménien, dont il a retranscrit les souffrances par les couplets d’« Ils sont tombés ». Je pense aussi à Missak Manouchian, panthéonisé avec sa femme et ceux de l’Affiche rouge le 21 février dernier, 80 ans après leur exécution dans la clairière du Mont-Valérien. Cette cérémonie était l’occasion pour notre Nation de rendre hommage à toute la Résistance, à celles et ceux venus d’ailleurs pour défendre l’idée qu’ils se faisaient de la France, à ces nombreux rescapés du génocide arménien qui ont pris les armes face à la barbarie nazie. 

Mais commémorer le génocide arménien, c’est aussi lutter contre l’oubli, contre l’indifférence, contre la négation qui sévit aujourd’hui encore à travers le monde, pour regarder le présent avec lucidité. 

Or, l’Arménie est de nouveau victime, depuis plusieurs années, d’une action méthodique d’épuration ethnique, de destruction de son patrimoine culturel et religieux, et de violation de l’intégrité de son territoire souverain par l’Azerbaïdjan. 

Derrière les promesses azéries de résolution pacifique de ce conflit qui n’a jamais cessé se trouve la réalité du terrain : celle des crimes de guerre commis chaque jour, celle de la famine orchestrée, celle de l’exil des réfugiés du Haut-Karabagh désormais sous le joug de Bakou depuis une attaque éclair et particulièrement meurtrière l’an dernier, celle de l’avenir qui s’assombrit pour tout un peuple, pour une jeunesse prête à se sacrifier pour sa terre, celle aussi de la passivité des Etats européens pris dans l’étau de leur dépendance énergétique, permettant à l’Azerbaïdjan, sous ingérence turque, de poursuivre l’ignoble dessein de 1915. 

Par-delà la commémoration et l’amitié qui nous réunissent en ce 24 avril, il nous revient donc, aujourd’hui plus que jamais, d’apporter notre soutien le plus fraternel au peuple arménien. C’est ce message que je porterai dans un mois, à l’occasion du déplacement en Arménie d’une délégation d’élus départementaux que je conduirai, dans le cadre de notre partenariat de coopération décentralisée lancé en 2008, durant lequel nous nous rendrons notamment dans le village frontalier de Voskevan, non loin de la ligne de front, qui accueille de nombreux réfugiés du Haut-Karabagh avec l’appui du Fonds Arménien de France, et qui résiste à l’expansionnisme azéri. Nous nous rendrons également à Idjevan pour un hommage à Patrick Devedjian, à travers l’inauguration du lycée agricole qui portera désormais son nom. 

Cet établissement est l’une des nombreuses réussites du programme de développement agricole du Tavouch, engagé par le Département des Hauts-de-Seine aux côtés du Fonds arménien de France. Depuis ses débuts, ce partenariat a permis de renforcer la sécurité alimentaire de la région et de consolider les revenus des agriculteurs locaux, à travers des exploitations plus robustes, plus durables et qui trouvent davantage de débouchés. 

Au-delà de ces résultats, cette coopération porte en elle les messages de fraternité, de l’entraide, du dialogue, de l’humanisme, et donc de la paix, de la véritable paix négociée et non imposée, que nous appelons tous de nos vœux. Ensemble, avec les autorités locales, nos partenaires et l’ensemble des habitants, nous écrivons ainsi un nouveau chapitre de l’histoire franco-arménienne, à jamais marquée par le souvenir du génocide que nous commémorons ensemble aujourd’hui, pour que vive toujours la flamme de la résistance et des combats du peuple arménien.

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Discours de Monsieur Georges Siffredi, Président du Département des Hauts-de-Seine, le 24 avril 2024 prononcé lors de la cérémonie de commémoration du 109e anniversaire du génocide des Arméniens. Crédit : CD92/Willy Labre
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