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Les Actus

Un engagement médical
sur tous les fronts

[25/02/2022] – Achod Papasian

Dr. Jean-Michel Ekhérian
Médecin anesthésiste-réanimateur à l’hôpital Lariboisière de Paris, le Docteur Jean-Michel Ekhérian est également président de l’association Hay-Med et  conseiller médical auprès du Fonds Arménien de France.

Où et comment avez-vous été mobilisé pendant la guerre de 2020 ?
Jean-Michel Ekhérian : Lors de la troisième semaine de la guerre, je suis parti en mission en Artsakh avec deux confrères, Chanth Balian, chirurgien urologue, et Aram Ter Minassian, lui aussi anesthésiste-réanimateur. Même en tant que médecins, cette guerre fut pour nous un choc extrême dont nous ne nous remettrons sans doute jamais.

Nous étions dans le bunker de l’hôpital public de Stepanakert, où tout était extrêmement bien organisé.
J’ai été très impressionné par la solidarité des gens, alors que l’épidémie de coronavirus sévissait. Les gestes barrières ont rapidement été oubliés compte tenu de l’urgence des interventions.
Je tiens à souligner ici le dévouement et le courage extrêmes des médecins et des chirurgiens, mais aussi l’engagement héroïque et exemplaire des femmes. Qu’elles soient infirmières, aides-soignantes ou simples agents de nettoyage, elles ont fait preuve d’une grande maturité et de professionnalisme pour ramener le calme dans les moments difficiles.

Que pensez-vous de la prise en charge des malades du Covid-19 en Arménie ?
J-M.E. : Premièrement, il y a beaucoup de cas positifs, car les gens ne se font pas vacciner.
L’Arménie est actuellement un des pays du monde où le taux de vaccination est le plus faible.
Du coup, il y a une surcharge des services hospitaliers, ce qui ne facilite pas les choses. Il faut savoir que la gestion d’un cas de Covid grave est complexe. Dans les pays occidentaux, les équipes médicales sont contraintes de prendre des décisions à l’instant T car l’état du patient peut évoluer d’une heure à l’autre. En ce sens, la prise en charge en Arménie est assez aléatoire et demanderait à être améliorée en s’appuyant sur les données scientifiques disponibles. Il faut que l’Arménie, à l’instar des autres pays, s’intéresse à ce qui se fait ailleurs et tienne compte des recommandations des sociétés savantes internationales. Le coronavirus est une maladie nouvelle, mais nous commençons à avoir suffisamment de recul pour pouvoir améliorer les soins pour les cas graves. Les praticiens arméniens doivent parfaire leurs compétences, notamment pour mieux gérer l’oxygénothérapie des patients. D’autre part, les antibiotiques sont encore trop souvent prescrits à tort, car inefficaces dans le cadre d’une maladie virale.
Les expériences faites au début de la pandémie en Europe nous l’ont largement prouvé.

Qu’en est-il de la situation en Artsakh ?
J-M.E. : En Artsakh, c’est complètement différent. On retrouve proportionnellement le même nombre de cas, mais les patients sont beaucoup mieux pris en charge qu’en Arménie.
Les antibiotiques sont utilisés à bon escient, les machines sont réglées correctement et les médecins nous appellent dès qu’ils ont un doute. Et pourtant, ils n’ont pas de centrale d’oxygène suffisante pour utiliser de manière optimale les appareils à disposition. J’ai constaté que les médecins là-bas font, en général, preuve d’une approche plus pragmatique.

Comment opère le Conseil public auprès du ministère de la Santé d’Artsakh dont vous faites partie avec le Dr. Armen Varosyan ?
J-M.E. : L’actuel ministre de la Santé d’Artsakh, Michael Hayriryan, a mis en place avec ses collaborateurs un programme réfléchi et assez complexe qui fait appel à des professionnels qui travaillent sur le terrain depuis de nombreuses années. L’idée est de mettre en place des binômes d’experts pour chaque axe de développement du secteur de la santé. Chaque spécialité comprendra un expert désigné de la diaspora et un expert désigné d’Arménie, qui travailleront ensemble dans trois directions : la formation, le soin et la fourniture de matériel et de médicaments. A titre d’exemple, mon collègue Chanth Balian travaille en binôme avec un urologue d’Arménie en tant qu’expert auprès du ministère.

Quels sont actuellement les grands axes de l’action de Hay-Med ?
J-M.E. : Nous avons récemment étendu nos actions à l’hôpital de Vardénis, une ville qui se situe désormais à proximité des lignes azéries.
Nous avons équipé en appareils médicaux le camion du Samu, ainsi que le bunker au premier sous-sol de l’hôpital. Dans la même région, nous collaborons avec l’hôpital de Martuni, qui est surtout consacré à la prise en charge des civils. Depuis deux ans, nous travaillons aussi avec le service de chirurgie de la maternité de Vanadzor, où nous nous appuyons sur deux gynécologues et deux sages femmes
extrêmement dynamiques. Et en Artsakh, nous continuons de porter à bout de bras les deux écoles maternelles de Martuni, avec au total 316 élèves, et nous poursuivons nos missions médicochirurgicales, avec de nouveaux axes en rapport avec l’alimentation et l’hygiène de vie. Il faut savoir qu’en Arménie, le premier facteur de risque, c’est l’obésité.
En effet, la quasi-totalité des victimes du coronavirus sont obèses. En plus de la prise en charge, il y a donc également un grand travail à faire en termes de prévention.

Dr. Armen Varosyan
Président de la Société arménienne des anesthésistes et des spécialistes en soins intensifs, le Docteur Armen Varosyan est anesthésiste réanimateur au Centre Médical Erebouni.

Dr. Armen Varosyan, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Dr. Armen Varosyan : Je pratique l’anesthésie en Arménie depuis maintenant 33 ans. J’ai beaucoup oeuvré pour le développement de l’anesthésie loco-régionale, que j’ai été l’un des premiers à pratiquer en Arménie. Je suis également très actif dans l’enseignement de l’anesthésie en tant que maître de conférences à l’Université médicale d’État d’Erevan qui porte le nom de Mkhitar Heratsi (médecin, physiologiste et astronome arménien du XIIe siècle- NDLR) et en tant que président du Comité d’évaluation en ligne de la Société européenne d’anesthésiologie et de soins intensifs (ESAIC).

Quel est votre rôle en tant que Président de la Société arménienne d’anesthésie et de réanimation ?
A.V. : J’ai été élu président de la Société il y a cinq ans, après en avoir été vice-président pendant plusieurs années. Depuis 2017, j’essaye de redynamiser la structure en organisant des conférences de manière régulière. Dans cette perspective, j’ai notamment fondé le Congrès arménien d’anesthésie et de réanimation qui accueille chaque année à Erevan des intervenants arméniens et étrangers qui viennent partager leurs connaissances et leur expertise.
Nous avons par exemple eu le plaisir d’accueillir en 2017 le professeur Bruno Mégarbane, chef du service de réanimation de l’hôpital Lariboisière de Paris.

Comment a débuté votre collaboration avec le Dr. Jean-Michel Ekherian ?
A.V. : Nous avons fait connaissance en 1989, lorsqu’il est venu en Arménie après le tremblement de terre. A l’époque, je travaillais à Gyumri (ville très durement touchée par le séisme – NDLR). Il nous a beaucoup aidés pour développer l’anesthésie – notamment locorégionale – et nous a fourni énormément de matériel. Grâce à lui, j’ai pu faire un stage de deux ans en France qui a été très important pour ma carrière. Depuis, nous continuons à collaborer en Arménie et surtout en Artsakh, où nous faisons des missions régulières pour le développement de l’anesthésie. Nous faisons tous les deux partie du Conseil public auprès du ministère de la Santé d’Artsakh. Chaque fois qu’il vient en Arménie, nous organisons des cours pour les internes dans les universités. Il en profite aussi pour nous informer des évolutions dans notre domaine et pour nous fournir du nouveau matériel. L’année dernière, après la guerre, il a notamment offert un échographe à notre hôpital.

Pendant la guerre, étiez-vous mobilisé en Artsakh ou à Erevan ?
A.V. : Les médecins les plus jeunes sont partis en Artsakh, tandis que mes collègues et moi sommes restés à Erevan. Comme nous sommes plus expérimentés, il était plus logique que nous nous occupions des blessés les plus graves. Pendant 44 jours, nous avons travaillé 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Comment faites-vous face à la recrudescence de cas de Covid-19 en Arménie ?
A.V. : Les malades du Covid sont traités dans des hôpitaux spéciaux, mais il nous arrive aussi d’en accueillir dans un des services de réanimation de l’hôpital Erebouni. Récemment, notre Société a élaboré un guide pour le traitement des malades du Covid en réanimation et en soins intensifs. Ce guide a été validé par le ministère de la Santé d’Arménie et a été diffusé dans tous les hôpitaux.

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