Les Actus
Santé animale :
L’expertise du diagnostic
[08/06/2022] – Achod Papasian
Dans le cadre de son programme de développement agro-pastoral dans le Tavush, le Fonds Arménien de France a récemment organisé une mission prospective pour la création d’un laboratoire d’analyses biologiques animales.
René Kazandjian, un vétérinaire engagé depuis de nombreuses années auprès du Fonds Arménien, s’est rendu sur place, accompagné de deux experts français de France Vétérinaire International (FVI). Nous l’avons rencontré pour en savoir plus sur l’évolution du projet.
Depuis 2011, René Kazandjian se consacre à la ferme de Lusadzor et aux six fermettes environnantes créées par le Fonds Arménien de France, à raison de deux missions annuelles. Et naturellement, tout projet de grande envergure comporte son lot de défis. Ainsi, au fil des ans, René a constaté que les éleveurs locaux ne faisaient pas de diagnostics précis des maladies de leurs animaux. « En Arménie, les éleveurs ne se fient qu’à l’apparence de l’animal pour déterminer le problème », explique-t-il. « Comme ils ne veulent pas dépenser d’argent, ils n’appellent pas le vétérinaire et ne font pas non plus d’examens de laboratoire.
Ils traitent les maladies un peu au hasard, en donnant des médicaments qu’ils achètent directement en pharmacie, mais qui ne sont pas forcément adaptés. » Une pratique qui pose problème sur le long terme, car en l’absence d’examens, il est impossible de répertorier les maladies existantes et de définir leur traitement.
Partant de ce constat, le Fonds Arménien a fait appel à deux experts de l’ADILVA, dans le cadre d’un partenariat signé avec l’ENSV-FVI (voir encadré). Nicolas Keck et Michael Treilles, tous deux directeurs de laboratoire, se sont joints à René Kazandjian pour une mission d’analyse prospective de quatre jours visant à identifier les capacités matérielles des laboratoires de la capitale arménienne, ainsi que les compétences techniques des laborantins. Au programme, visites de laboratoires, mais aussi rencontres avec les responsables d’organisations internationales (FAO et PNUD) et discussions avec des spécialistes de la sécurité alimentaire.
« De tous les établissements visités, nous en avons retenu trois qui sont particulièrement bien équipés : le laboratoire de santé animale du Service d’État de la sécurité alimentaire, celui du Centre de recherche sur l’analyse et l’évaluation des risques, et le laboratoire privé Standard Dialog, le mieux équipé de tous, qui a également une antenne à Gumri », assure René. « Le problème, c’est qu’ils sont inexploités, tout d’abord parce qu’ils ne reçoivent pas de prélèvements venant des éleveurs, et ensuite parce qu’ils n’ont pas les fonds pour se procurer de réactifs, pourtant indispensables pour faire fonctionner les appareils. » Comme bien souvent en Arménie, les lacunes organisationnelles trouvent leur source dans la réalité économique du pays.
Grâce à ces rencontres, René Kazandjian y voit désormais plus clair pour la suite du projet.
Compte tenu du bon niveau d’équipement et d’expertise à Erevan, il envisage de greffer le futur laboratoire à une structure déjà existante.
Sur le plan organisationnel et financier, René propose de verser une somme d’argent régulière aux éleveurs qui leur permettrait de faire faire des examens complémentaires, tout en fournissant des réactifs aux laboratoires pour traiter les prélèvements. Ces dépenses seront entièrement couvertes par le Fonds, grâce à un legs de 160 000 €. « Une fois que nous aurons collecté suffisamment de prélèvements, nous serons en mesure de répertorier les différentes pathologies », explique René.
« Notre objectif à moyen terme, c’est de définir un protocole type que nous proposerons aux éleveurs pour chaque maladie identifiée. Par exemple, en cas de mammite, de diarrhée ou de problème pulmonaire, l’éleveur n’aura plus qu’à appliquer la marche à suivre pour faire un diagnostic et soigner son animal. »
L’aspect matériel ne sera pas négligé pour autant. En effet, pour le prélèvement des échantillons, le laboratoire central d’Erevan devra compter sur des laboratoires régionaux répartis dans chaque province et qui sont moyennement équipés. René prévoit de leur fournir des automates de diagnostic, des microscopes et des incubateurs afin qu’ils puissent réaliser les analyses les plus simples. Le projet comportera aussi un volet formation destiné aux éleveurs, aux vétérinaires et aux personnels de laboratoire.
Ainsi, chaque acteur du processus bénéficiera de la meilleure expertise pour la mettre au service de la santé des animaux.