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Les Actus

Max Delpérié:
«Il faut passer à une agriculture
plus professionnelle »

[26/02/2022] – Achod Papasian

Début octobre, une délégation française du secteur de l’enseignement technique s’est rendue dans le Tavush afin de visiter la ferme et la fromagerie créées dans le cadre de la Fondation HimnaTavush. A cette occasion, nous avons rencontré Max Delpérié, ancien directeur des lycées agricoles de Limoges et du Nord Haute-Vienne, présent sur place en tant que consultant pour le nouveau projet porté par le Fonds Arménien de France : une école d’agriculture et d’élevage, à Idjévan, qui portera le nom de Patrick Devedjian.

Quelles sont vos premières impressions après votre visite dans le Tavush ?
Max Delpérié :
J’ai eu la chance de visiter la ferme gérée par le Fonds Arménien de France, qui est de bonne qualité, avec bien évidemment des différences avec la France, notamment en termes d’élevage. J’ai le sentiment que le niveau des jeunes qui pourraient potentiellement être intéressés par la formation agricole est assez bas, proche de celui des élèves français des années 1960. C’est donc un chemin que nous avons déjà parcouru en France et qui nous a permis de développer des outils pour monter le niveau de formation et de qualification au fil du temps.

Les Arméniens font de l’agriculture intuitivement, comme ils l’ont appris de leurs anciens mais aujourd’hui, il faut passer à une agriculture plus professionnelle. Cela nécessite un minimum de préparation, que ce soit en formation initiale pour les plus jeunes ou en formation continue pour les personnes travaillant déjà dans le secteur.

Quels diplômes envisagez-vous de mettre en place ?
M.D. : Nous avons encore un certain nombre de données à recueillir pour finaliser notre analyse de la situation. Après ce complément d’expertise, il faudra se fixer des ambitions modestes et commencer par un ou deux diplômes de niveau 5 (CAP) afin de professionnaliser les personnes aux niveaux scolaires les plus bas. Je verrais bien un CAP en polyculture-élevage qui permettrait d’enseigner l’agriculture, tout en proposant des modules sur l’agronomie, l’élevage des animaux, la conduite d’un élevage de façon moderne, une alimentation de qualité, etc. Nous pourrions aussi proposer un diplôme sur l’agroéquipement, dont l’utilisation reste encore assez modeste, mais qui va nécessairement se développer.

Quelles sont les prochaines étapes de votre collaboration avec le Fonds ?
M.D. : Lors de notre visite, nous avons eu l’occasion d’échanger avec des étudiantes francophones de l’université d’Idjévan. Comme elles ont des relais dans les écoles de la région, nous avons eu l’idée de travailler avec elles sur une petite enquête de proximité dans le Tavush afin de savoir si les jeunes pouvaient être intéressés par l’enseignement que nous projetons.
L’intérêt existe. Nous devons développer une communication sur l’utilité de la formation.
Il faudra aussi aller vers les familles, car jusqu’à présent, c’est dans le cadre familial que s’est transmise la pratique agricole, et la formation n’est peut-être pas une évidence pour elles.
Dans la phase de communication, il faudra surtout donner des perspectives positives, compte tenu de la période d’incertitude qui règne en Arménie. A l’avenir, nous souhaitons aussi mettre en place des regroupements d’agriculteurs, sur le modèle français des chambres d’agriculture, ce qui permettra aux professionnels du secteur de s’accompagner mutuellement dans leur développement.

Quelles leçons l’Arménie peut-elle tirer de l’enseignement agricole français ?
M.D. : En France, l’enseignement agricole est géré par le ministère de l’Agriculture, et non celui de l’Éducation nationale. Pourquoi ? Parce qu’il ne peut pas y avoir de politique de développement agricole qui ne soit pas liée à l’enseignement. Afin d’être certain que l’enseignement attire les jeunes, il était indispensable d’associer l’obtention d’un diplôme dans la perspective de pouvoir s’installer dans le secteur et de bénéficier d’aides, de dotations et de prêts bonifiés. De plus, de par son autonomie, l’enseignement agricole s’est transformé au fil des ans en laboratoire d’idées qui a développé des pédagogies complètement différentes.
Nous avons beaucoup travaillé sur la pluridisciplinarité, en partant du principe que la résolution d’un problème agricole complexe ne peut pas venir que d’une seule matière.
Grâce à l’apport des maths, de la biologie et même de l’économie, les étudiants sont ainsi amenés à porter un regard pluriel sur la résolution de problèmes. Je pense que l’Arménie s’honorerait à mettre en place un enseignement agricole dans le cadre d’une politique de développement plus large. Actuellement, beaucoup de denrées sont importées, alors que l’Arménie pourrait exploiter son potentiel en termes d’alpages, de maraîchage et d’élevage pour diminuer la pression sur l’économie du pays.

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