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Les Actus

Le Fonds Arménien de France
soutient une future école
d’informatique inclusive et gratuite

[29/07/2021] – Jean-Jacques Avédissian

Au lendemain de la défaite militaire au Karabagh, l’heure n’est pas à l’abattement mais à l’action pour Cyril Harpoutlian, entrepreneur dans le domaine du numérique.
Son idée : créer une école baptisée RELQ, un mot phonétiquement proche d’intelligence en arménien.
A travers sa commission Éducation, nouvellement créée, le Fonds Arménien de France apportera un accompagnement approprié à ce projet. Ouverture programmée cet automne, premiers diplômés au printemps 2022.

Cyril Harpoutlian, 46 ans, est dirigeant associé d’un cabinet de conseil en technologies de 300 collaborateurs, spécialisé dans l’agilité et le cloud computing. Sa famille est originaire de Mouch. La directrice de Haratch, Arpik Missakian, était souvent invitée à la maison se remémore-t-il. Cependant, son arménité ne s’est révélée qu’à l’âge adulte, à l’occasion d’un voyage du Fonds en Arménie et au Karabagh en 1999. « J’avais alors 24 ans, j’ai découvert l’Arménie pour la première fois en compagnie de guides comme Souren Kévorkian et Bédros Terzian. »

PENSEZ L’AVENIR DE MANIÈRE PRAGMATIQUE

Après la guerre, Cyril souhaite mettre à profit son expérience dans le domaine du numérique car il est persuadé que l’avenir économique de l’Arménie réside dans une économie de services et notamment dans l’informatique.
« Aujourd’hui, nous assistons à un changement de paradigme. En effet, les capacités offertes par les géants de l’informatique – Google, AWS et Microsoft – vont permettre de créer le socle incontournable pour stocker les énormes volumes de données nécessaires à nourrir les intelligences artificielles (IA). Il est certain que les pays champions du tandem Cloud/IA auront un avantage concurrentiel fort dans les années à venir. » Or l’Arménie dispose de cerveaux et cette activité de services se prête idéalement à l’économie d’un pays enclavé.
Durant l’ère soviétique, elle a fourni des bataillons de mathématiciens, de physiciens et d’informaticiens, qui lui ont valu le surnom de « Silicon Valley de l’Union soviétique. » C’est à partir de ce terreau qu’a prospéré, malgré une foule d’obstacles, une industrie des technologies de l’information incroyablement florissante, qui emploie 18 000 personnes dans quelque 650 entreprises. Un secteur en forte croissance, plus de 20 % par an, qui génère plus de 900 millions de dollars de chiffre d’affaires, soit 7,5 % du PIB (données 2017). Mais il manque actuellement 2 000 informaticiens par an pour satisfaire la demande tant locale qu’internationale. La rareté se paye : les niveaux de salaire des informaticiens arméniens sont élevés. Près de 3 000 euros mensuel pour un bon professionnel avec une expérience de 4 à 5 ans et jusqu’à 6 000 euros pour les experts.
Partant de ce constat, l’idée de Cyril, est d’accompagner la population arménienne à se former massivement aux nouvelles technologies via une école 100 % gratuite et 100 % inclusive. Il lui cherche un nom. Ce sera RELQ « car je vois dans ce mot un symbole attaché au peuple arménien. La réussite spectaculaire de Tumo a ouvert la voie à des formations complémentaires et prouve l’appétence de la population civile arménienne pour le numérique. »

TROUVER UN MODÈLE ET RÉUNIR LES COMPÉTENCES

La France dispose d’un système de formation exceptionnel et original, en particulier des écoles ouvertes à toutes les personnes passionnées et motivées par les métiers de l’informatique, même si elles n’ont aucun diplôme, notamment SIMPLON et la très médiatique école « 42 » créée en 2013 à l’initiative de Xavier Niel, fondateur de Free. Cyril Harpoutlian prend contact avec l’établissement social et solidaire SIMPLON (voir encadré), qui s’est ramifié avec un joli succès, en un réseau de « fabriques numériques et inclusives en France et à l’étranger ». L’accueil est enthousiaste.
Il lui manque désormais une équipe. Grâce au soutien de la première heure de Philippe Poux du G2ia, un article paraît en décembre 2020 dans le quotidien La Croix sur le sujet. De là s’enchaîne une série de contacts : Tania, Xavier, Paul… L’équipe fondatrice est désormais constituée ! Elle sera composée de cinq membres expérimentés et tous actifs dans le domaine de la tech et du digital. L’association vient d’ailleurs de s’étendre aux États-Unis.
Elle y compte désormais une ambassadrice, Valentina Poghosyan, directrice de la compliance chez Facebook.

Des fondateurs dynamiques et enthousiastes

CYRIL HARPOUTLIAN
(FRANCE) – 46 ans
Entrepreneur dans le
domaine du conseil en
management, innovation
et technologies.
Président RELQ

TANIA AYDENIAN
(FRANCE) – 43 ans
Spécialiste de
l’innovation et de
la digitalisation dans
le secteur de la biotech.
Co-Présidente RELQ

SEDA PAPOYAN
(ARMÉNIE) – 36 ans
Entrepreneuse dans
le domaine de
l’Innovation Sociale et
inclusive.
Executive director RELQ

PAUL DELAKIAN
(FRANCE) – 36 ans
Product Manager
dans la tech depuis
13 ans.
Program manager et
trésorier RELQ

PHILIPPE POUX
(FRANCE) – 59 ans
Entrepreneur en France
comme en Arménie,
Président du G2IA.
Directeur des partenariats RELQ

XAVIER KUTALIAN
(FRANCE) – 37 ans
Chargé de l’acculturation
digitale chez Chanel, et comédien au théâtre.
Directeur de la communication RELQ

RÉPONDRE AUX ENJEUX DU MOMENT

Pourquoi une école inclusive précisément ?
Parce que la guerre au Karabagh s’est soldée par des milliers de réfugiés, de blessés de guerre, d’handicapés, de femmes en détresse, de vies brisées… RELQ veut être une école inclusive (everyone from everywhere) pour faciliter la réintégration sociale de ces personnes au parcours de vie cabossé. Comment ? A travers un apprentissage innovant basé sur de la pédagogie active. Plus de cours théoriques, mais une immersion dans un collectif rassemblé autour de projets issus du monde des entreprises. L’apprenant est confronté à des mises en situation inspirées de cas d’usages réels dans l’optique d’appréhender au mieux l’intégration dans le milieu professionnel. RELQ privilégie la collaboration entre pairs et le développement de soft skills dont la gestion de projets, l’esprit critique, le leadership et ce, en complément des compétences dans le numérique. Les apprenants seront accompagnés par des coachs, des professionnels du numérique avec une exposition à un tissu d’experts ouvert à l’international.
« Notre mission : inclure les talents exclus du numérique en développant des communautés apprenantes et entreprenantes tout en favorisant une insertion réussie dans l’univers professionnel », évoque Tania Aydenian, en charge du programme pédagogique de RELQ.

MAÎTRISER LE FINANCEMENT

Avec le concours de sponsors et de mécènes — principalement Amundi ACBA, Armenia Peace Initiative (un fonds de dotation reconnu d’intérêt général initié par Taline Papazian), le Fonds Arménien de France (avec une mention particulière pour sa contribution appuyée sur les plans financier et opérationnel), UGAB France, Robert Aydabirian et Alexandre Mouradian —, l’équipe de RELQ a réussi à collecter près de 150 000 euros, pour assurer les frais de la première année de fonctionnement.
Les principaux emplois se répartissent entre l’école SIMPLON, qu’il faut rémunérer, un peu à la façon d’un franchiseur, pour ses services, en particulier l’usage de sa plate-forme de formation en ligne, soit plusieurs dizaines de milliers d’euros ; la directrice de RELQ en Arménie, Seda Papoyan, une femme très impliquée dans le social et la défense des femmes ; les deux formateurs qui assureront l’apprentissage de deux sessions semestrielles de 30 élèves chacune, les frais divers de fonctionnement.
« Pas de locaux flamboyants, un espace de coworking de 5 à 6 postes suffira. »
RELQ a retenu en France le statut d’association et en Arménie, celui de fondation, qui en est un peu l’équivalent. Le ministère des Technologies arménien lui a fait le meilleur accueil et des contacts ont été établis avec des acteurs publics et privés pour faciliter le recrutement des futurs diplômés.
Les inscriptions devraient être ouvertes en juillet avec un démarrage des sessions de formation en octobre ou novembre.
Les cours sont principalement en distanciel : les apprenants pourront ainsi provenir de toutes les régions d’Arménie et du Karabagh.
Des master class en présentiel ponctueront l’apprentissage dans un souci d’efficacité de la formation et de prévention des risques de décrochage, mais aussi pour favoriser un esprit de promotion. Les premiers diplômés devraient éclore au printemps 2022.

> Après avoir créé l’EPYM en 2015, première école professionnelle des métiers du bâtiment en Artsakh (voir Courrier 102), le Fonds Arménien de France vient de se doter d’une commission Éducation qui sera en charge de soutenir et d’accompagner la création et le développement de trois nouvelles écoles en Arménie. Le projet Relq fait partie intégrante de ce programme.
Les autres projets concernent la création d’une école d’agriculture et d’élevage à Idjevan dont les travaux pratiques seront réalisés à la ferme de Lusadzor (Tavush) et un centre de formation technologique à Gumri, dédié aux énergies renouvelables, à l’électro-technique et à la robotique. Ces trois établissements devraient ouvrir entre octobre 2021 et octobre 2022. Robert Aydabirian est le coordinateur de la commission Éducation du Fonds Arménien de France.

Simplon, l’underground de l’informatique ?

Créé en 2013 dans un quartier de Paris desservi par le métro Simplon, l’école d’informatique éponyme s’est inspirée d’un modèle américain de formation en accélérée. Son slogan : « In Code we trust ». Son originalité réside dans le fait que les sessions de cours de six mois sont réservées à des personnes en marges de l’emploi : non diplômés, situations de handicap, réfugiés, femmes en difficulté, etc. La gratuité est de rigueur grâce à un large appui financier, provenant tant du secteur public que privé. Les quelque 13 000 élèves, âgés en moyenne de 25 à 30 ans, décrochent un emploi pour 65% d’entre eux. Simplon s’exporte dans 14 pays aussi divers que l’Inde ou la Suisse, et bientôt l’Arménie.

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