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Les Actus

« FAIRE UN DON, C’EST CRÉER UN LIEN »

[10/11/2020] – Astrid Avédissian

SIMON ABKARIAN, PARRAIN DU PHONÉTHON 2020

Acteur, dramaturge et metteur en scène, Simon Abkarian est le parrain du Phonéthon 2020. Après un premier Molière en 2001 pour son interprétation dans Une bête sur la Lune, il a reçu trois Molière cette année pour la pièce Électre des bas-fonds, qu’il a écrite et mise en scène. Le Dernier Jour du jeûne, dont il est également l’auteur et le metteur en scène,et dans laquelle il joue, aux côtés d’Ariane Ascaride et d’Assaad Bouab, est à l’affiche du Théâtre de Paris. On le verra aussi bientôt dans deux longs métrages.

Le courrier du Fonds Arménien de France : Comment appréhendez-vous votre rôle de parrain du Phonéthon 2020 ?
Simon Abkarian : Avec joie ! Parrainer, ça veut dire être là, accompagner, répondre, faire acte de présence.

Que représente le Phonéthon du Fonds Arménien pour vous ?
S.A. : Le Phonéthon ce n’est pas une main tendue, ce sont des bras tendus, des regards tournés vers l’Arménie. Ce n’est pas seulement investir de l’argent, mais des esprits, du savoir, des consciences. Faire un don, c’est créer un lien. Ce n’est pas seulement une communauté qui veut aider sa communauté nationale d’origine, c’est aussi un acte cohérent et concret. Aider à construire une école, une route, recruter des personnes pour enseigner la permaculture ou un certain type d’agriculture en Arménie, c’est aussi faire acte de militantisme et d’engagement.J’espère qu’un jour nous n’aurons plus besoin d’envoyer de l’argent en Arménie, que le pays sera dans une situation stable, sereine et économiquement forte. Mais tant que l’Arménie a besoin de nous, je pense qu’il faut le faire, que ce n’est pas une posture. Il faut que les gens delà-bas sachent qu’on se soucie d’eux. C’est bien de cuisiner des plats arméniens, de parler arménien, de pratiquer des danses arméniennes, mais être Arménien c’est aussi avoir un regard tout le temps alerte en ce qui concerne l’Arménie. On ne doit pas seulement avoir un regard mais tous nos regards tournés très souvent vers ce pays qui est toujours menacé par le délire panturquiste. Il est important de maintenir ce pays fort et stable.Il est aussi important de maintenir nos forces au Liban et à Constantinople

Vous dites Constantinople, pas Istanbul…
S.A. : Non. Constantinople, Constantinopolis, chez nous, les Arméniens, on dit Bolis.

Y êtes-vous déjà allé ? Avez-vous l’intention d’y aller ?
S.A. : Non. Je n’ai jamais mis les pieds en Turquie. Ça dépendra du régime qu’il y aura là-bas.

Donc c’est vraiment un choix politique…
S.A. : Oui, on m’avait invité à un festival, mais je n’y suis pas allé. Mais je regrette de ne pas être allé à l’enterrement de Hrant Dink. J’ai une histoire particulière. Ma famille vient d’Erzeroum, Garin [en arménien]. Ce sont un peu des durs à cuire sur ce sujet, on est un peu arriérés là-dessus… Ils sont presque tous morts. Ceux qui ont survécu se sont réfugiés en Syrie et au Liban. J’ai de la famille en Syrie. Mon père y est enterré. Et une bonne partie est de Beyrouth et d’Anjar.

Vous êtes né en France et avez grandi au Liban. Comment vivez-vous la situation dans laquelle le pays est plongé ? Que vous en disent vos proches ?
S.A. : Je suis triste. Les gens là-bas sont arrivés à un point où personne n’en peut plus. L’atelier de mon cousin a été partiellement détruit.

Votre famille pense-t-elle déménager ?
S.A. : Je n’ai même pas osé leur poser la question vu l’état de choc dans lequel ils étaient. Les Arméniens du Liban pourraient s’installer en Arménie, mais ce n’est pas facile. Ce n’est pas évident de partir, c’est comme un coup de poker. La situation économique n’est pas très florissante non plus en Arménie.

Que pensez-vous de la situation en Arménie ? De la place qu’y occupent les artistes ?
S.A. : L’Arménie commence à peine à avoir une respiration saine. Il faut rebâtir les hôpitaux, les routes, les écoles. Et je pense qu’il va falloir qu’ils songent très vite à remettre sur pied des boîtes de production cinématographiques, mettre des moyens à disposition des jeunes qui veulent faire du théâtre et du cinéma. Je pense que la belle époque artistique qui florissait à l’époque soviétique n’existe plus, mais qu’il y a un travail à faire, qu’il faut se tourner vers l’expression artistique. Je pense que les artistes sont dans une situation difficile en ce moment en Arménie. Je connais des acteurs et des actrices qui ont deux boulots, qui n’arrivent pas à s’en sortir financièrement, qui sont obligés de tourner dans « des séries de merde », alors que ce sont de bons artistes. Je sais que les institutions, le conservatoire d’art drama-tique, ont besoin aussi d’un nouveau souffle. Je pense qu’il y a des choses à faire avec des gens qui sont en dehors de l’Arménie. Des artistes pourraient y aller, non pas pour dire ce qu’il faut faire ou non, mais pour échanger, sur nos savoirs et nos désirs. Je pense qu’on a encore des choses à dire quant à notre identité, notre histoire, pas seulement focalisée sur le génocide, mais sur nos histoires contemporaines. Je suis en contact avec certains artistes arméniens. J’ai des projets, qui ne sont pas encore confirmés. J’en parlerai quand ce sera sûr. C’est en lien avec le théâtre, le cinéma…

Quelles causes vous tiennent particulièrement à cœur, et qui pourraient être défendues en Arménie aussi ?
S.A. : Dans mes pièces, je parle de la condition humaine, que ce soit à travers la guerre, une épopée ou l’histoire d’une famille. Et je parle beaucoup des femmes, de la condition féminine. Il n’est pas normal que les femmes soient moins bien payées que les hommes ou qu’elles subissent des violences et des oppressions, de quelque forme que ce soit, économiques ou psychologiques, ce qui va souvent ensemble, parce qu’on a toujours tendance à croire, par exemple, qu’une chirurgienne est moins digne de confiance qu’un chirurgien. Je pense qu’en Arménie il y a aussi un travail à faire en ce qui concerne la condition féminine et l’éducation, que l’on doit reprendre à la base chez les enfants, en expliquant aux garçons qu’ils peuvent être vaillants mais qu’ils doivent respecter les filles.

Vous jouez dans deux longs métrages, qui vont sortir au cinéma prochainement :L’Enfant caché, de Nicolas Steil et Selon la police, de Frédéric Videau, avec Laetitia Casta. Quels personnages y incarnez-vous ?
S.A. :
L’enfant caché, en cours de tournage au Luxembourg, raconte l’histoire d’un homme qui veut réaliser un film sur son enfance après la Shoah. Dans Selon la police, je joue le rôle d’un policier en uniforme. Le film raconte le quotidien et la vie des petits policiers des commissariats, qui sont des figures anonymes, leur difficulté à vivre la violence urbaine, leurs soucis financiers, familiaux, et leur difficulté à s’intégrer dans le tissu social et communautaire, dans le sens de la communauté nationale.

Quel impact la crise du Covid a-t-elle eu dans votre vie, votre travail ?
S.A. :
Je commence à relire tout douce-ment, car pendant le confinement je n’ai réussi à lire aucun livre. En revanche, j’ai écouté beaucoup de musique. C’est une nourriture absolument vitale pour moi. Que ce soit de la musique classique, de la musique du monde, de la musique traditionnelle arménienne, ou autre. Je suis toujours prêt au pire, sans doute du fait que je suis arménien. Je me suis adapté. Tous mes projets ont été repoussés : les tournages, un voyage en Arménie pour un projet et la représentation de la pièce Le dernier jour du jeûne(qui a débuté le 16 octobre – NDLR) au Théâtre de Paris.

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