Les Actus
Éric Bodinat aux petits soins
pour les animaux de Lusadzor
[08/06/2022] – Achod Papasian
Le mois dernier, les brebis de la ferme de Lusadzor ont donné naissance à leurs tous premiers agneaux. A l’occasion de cet heureux événement, nous nous sommes entretenus avec Eric Bodinat, expert conseiller en élevage auprès du Fonds Arménien de France, venu spécialement de France pour accompagner la mise-bas des brebis. Rencontre avec un passionné que la terre d’Arménie a d’ores et déjà adopté.
C’est l’histoire d’un homme guidé par l’amour des pâturages. Après des études de commerce et un passage rapide dans l’industrie, Eric Bodinat se laisse rapidement tenter par sa passion de toujours : l’agriculture.
Au départ éleveur sélectionneur dans son Puy-de-Dôme natal, il gravit peu à peu les échelons et acquiert des responsabilités au niveau local, puis national. « Ma passion m’a amené à me spécialiser dans la génétique et dans la promotion de l’agriculture française, aussi bien en France qu’à l’étranger », raconte-t-il.
« De fil en aiguille, je suis devenu expert conseiller en élevage auprès des instances internationales et j’interviens régulièrement dans différents pays. » L’année dernière, c’est par l’intermédiaire de l’APECITA, un organisme de recrutement dans le secteur agricole, que son chemin a croisé celui du Fonds Arménien de France, alors à la recherche d’un expert pour développer la ferme de production laitière de Lusadzor.
Recruté officiellement en janvier dernier, Eric Bodinat a déjà effectué plusieurs missions sur place afin de se familiariser avec les spécificités agricoles locales et avec le cheptel d’ovins et de bovins. « A l’heure actuelle, nous avons environ 150 vaches laitières, plus des génisses qui donneront bientôt naissance à des veaux », explique-t-il. « Cela constitue un cheptel assez conséquent de 350 têtes de bétail. » Importées du Danemark et d’Autriche en 2009, les vaches appartiennent à la race jersiaise, originaire des îles de Jersey et Guernesey, et à la race Simmental, originaire des Alpes suisses, qui, selon Eric, se sont toutes deux très bien adaptées aux altitudes arméniennes.
La ferme de Lusadzor compte également un petit cheptel de 70 moutons, importés l’année dernière par le Fonds Arménien. Originaires du Massif central, les brebis ont fait l’objet d’un suivi très rigoureux afin qu’elles puissent s’adapter le mieux possible et se reproduire dans de bonnes conditions. « La mise en lutte (l’accouplement) a eu lieu à partir du mois de septembre », explique Eric. « Et après cinq mois de gestation, nous sommes actuellement en pleine période d’agnelage (mise-bas), qui se déroule pour le mieux. La plupart des brebis de la ferme ont mis bas en moyenne deux agneaux, ce qui représente un bon taux de prolificité du troupeau. Au total, nous avons eu quarante naissances avec une mortalité quasi inexistante, ce qui est remarquable pour un premier agnelage. » A terme, l’objectif est de produire du lait à partir des brebis, après les avoir croisées génétiquement avec des béliers de race laitière, ce qui permettra de proposer une nouvelle gamme de fromages au lait mi-brebis, mi-vache.
En ce qui concerne les bovins, la mission d’Eric consiste à améliorer la production de lait des vaches, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Si les quantités ne sont pas encore comparables à la France, elles sont selon lui très encourageantes. « Au départ, nous sommes partis d’une production de 13 litres en moyenne par vache et par jour, et en huit mois, nous avons progressé de 2,5 litres », détaille-t-il.
« Nous travaillons aussi sur la qualité, car pour la production de fromage, il faut que le lait soit riche en matières grasses. Et pour cela, nous pouvons compter sur la nourriture que nous produisons localement. » En effet, parallèlement à l’élevage, la ferme s’est engagée dans la culture de céréales, ce qui lui permet d’augmenter son autonomie sur le long terme. Aux côtés de l’orge, du blé, de l’avoine et de la luzerne, les terres de la ferme ont récemment accueilli de nouveaux types de céréales qui s’adapteront en fonction du climat et du terrain.
Mais pour Eric, la quête de qualité ne se limite pas à la nourriture : elle passe également par l’amélioration des conditions de vie du bétail.
Dans un pays où le bien-être des bêtes n’est pas toujours une priorité, l’introduction d’une approche « à la française » est selon lui primordiale.
Ainsi, au lieu d’être attachés ou parqués dans des étables, les animaux de la ferme de Lusadzor peuvent gambader à leur guise dans de grands espaces paillés. Une évolution qui s’inscrit dans une recherche d’équilibre entre l’apport du savoir-faire français et le respect des particularités locales.
« Le tort qu’ont parfois les experts du secteur agricole, c’est de vouloir reproduire exactement ce qui existe dans leur pays d’origine », assure-t-il. « Mon expérience m’a montré que chaque pays est différent, tant au niveau de ses coutumes, que de son climat et de ses races. Tant que faire se peut, il faut donc s’adapter à ce que l’on a sur place, toujours de manière modeste, pour améliorer ce qui doit l’être. »