Les Actus
Agir au Syunik
[09/06/2022] – Sèda Mavian
9 novembre 2020 : la défaite arménienne après 44 jours de guerre en Artsakh a des conséquences qui débordent l’Artsakh et touchent l’Arménie elle-même, en particulier la région du Syunik.
Là, des milliers de familles de dizaines de villages ayant perdu leurs pâturages en Artsakh n’ont plus la possibilité de conserver leurs troupeaux qu’elles réduisent au maximum en vendant leurs bêtes ou en les tuant pour en vendre la viande.
Elles ne peuvent se rabattre sur l’agriculture qu’avec des aides car elles n’ont pas les moyens de re-cultiver des terres délaissées depuis longtemps et dépourvues de systèmes d’irrigation.
Dans cette situation économique et sociale d’une gravité inouïe, sur fond d’incursions militaires azéries et d’incessantes revendications de l’ennemi sur la région pour y faire régner la peur, il fallait agir vite. C’est ce qu’a fait le Fonds Arménien de France en mars 2021, en décidant de s’impliquer immédiatement au Syunik, prioritairement dans l’est de la région, dans la zone frontalière avec l’Azerbaïdjan.
LE FONDS ARMÉNIEN DE FRANCE AU SYUNIK DÈS 2021
Sous l’impulsion de Michel Pazoumian (France), une équipe locale se met en place à Goris dès la fin du mois de mars 2021 encadrée par Souren Kévorkian (basé au Tavush), tandis que je suis associée au processus (depuis Erevan) avant de rejoindre l’équipe en août en tant que coordinatrice des actions du Fonds Arménien de France au Syunik. Les premières actions concrètes voient le jour en mai, avec la distribution progressive de poules pondeuses, de ruches, d’enclos, de plants d’arbres fruitiers et de légumes, de compteurs d’eau (à Yeghvard) et d’une citerne (à Tegh). L’enjeu de cette entrée en campagne est le maintien coûte que coûte de la population sur sa terre, avec pour champ d’intervention le domaine agricole. A l’automne 2021 ont lieu trois opérations de grande envergure, à savoir :
– la distribution de plus de 450 tonnes de semences de blé à plus de 1500 familles de 17 villages, à raison de 300 kg de blé par famille. Une opération menée de concert avec le gouvernement dans le cadre de sa politique de subvention agricole (70 % du prix des semences est à la charge de l’État, les 30 % restants à la charge du paysan ; en l’occurrence, le Fonds au Syunik a pris en charge la part du paysan). Cette opération « coup de poing », qui a nécessité de gérer de gros volumes d’importations depuis la Russie, était du jamais-vu dans la région, voire en Arménie.
– la distribution d’environ 30 000 plants d’arbres fruitiers dans onze villages de notre zone et à Sissian, sur la base de 25 plants d’arbres fruitiers par famille (pommiers, poiriers, noyers, kakis, mûriers, pêchers, cornouillers et noisetiers).
– la mise en place d’un système d’adduction d’eau potable à Aravous, petit village frontalier au nord-est de Goris. Après une période de tâtonnement, nous avons pu démarrer ce projet très important pour lequel nous avons obtenu un co-financement grâce aux efforts de Suzanne Senellart, membre et donatrice du Fonds Arménien de France.
L’année 2021 s’est soldée avec la satisfaction d’avoir fait œuvre utile, parfois déterminante, et la prise de conscience de la nécessité d’étoffer davantage notre équipe. Aujourd’hui, celle-ci est constituée de trois salariés locaux : Nerses Chadounts (la cinquantaine, ancien maire de la communauté de communes de Tegh), Samvel Ivanyan (35 ans, originaire de Goris et récemment rentré de Russie) – tous deux demeurant à Goris – et Artour Mirzoyan (28 ans, du village de Vaghatour). Pour ma part, je continue de coordonner l’équipe locale et les projets, en lien permanent avec Souren Kévorkian (en Arménie) et avec la direction du Fonds pour le Syunik (en France).
LE FONDS ARMÉNIEN DE FRANCE AU SYUNIK EN 2022
Après huit mois d’activités (mai-décembre 2021), nous avons compris que le Syunétsi peut vivre sous la menace permanente de l’ennemi, mais pas sans eau pour boire, se laver, abreuver ses bêtes, arroser ses arbres et son potager, et irriguer ses terres. Sans eau, tôt ou tard il sera contraint de quitter le village, et c’est ce que nous voulons éviter à tout prix. C’est pourquoi j’ai proposé au Fonds de focaliser notre programme de 2022 sur la résolution des problèmes d’eau.
Durant l’hiver, nous avons identifié douze villages dont nous pouvons résoudre le problème d’eau. Dans presque tous les cas, il s’agirait de fournir de l’eau potable. Parmi ces douze projets d’eau situés dans les communautés de Tegh, Goris, Tatev, Kapan et Sissian, deux ont déjà donné lieu à l’établissement d’un plan technique chiffré. Certains attendent d’être envoyés en bureau technique, et d’autres doivent être approfondis par une visite sur le terrain dès que les conditions climatiques le permettront. Le tout sera mené sous le contrôle d’un ingénieur hydraulicien franco-arménien, Davit Alexandrian, en accord avec l’entreprise Véolia (en charge de la distribution de l’eau en Arménie) et de la préfecture du Syunik.
Les autres projets qui sont à l’étude, concernent l’encouragement à la production agricole : aide à la rénovation d’une fromagerie à Vaghatour, aide à l’acquisition d’un matériel de fabrication d’aliments pour animaux à Khoznavar, aide à la construction d’une ferme de lapins à Karachen, distribution de dix ruches à l’école de Vorotan pour une initiation écologique des enfants à l’apiculture. Ils ont tous une dimension collective, car les retombées positives qu’on attend de leur mise en place s’étendront au village, voire à plusieurs villages.
Des distributions sont également prévues mais pas forcément les mêmes qu’en 2021.
Nous nous concentrons cette année sur la distribution de serres et de motoculteurs tout en poursuivant la distribution de ruches, de plants de légumes et d’arbres fruitiers. Cette distribution se fera en fonction de besoins clairement identifiés (Cf. encadré : Deux actions fondamentales).
Pour compléter l’éventail des actions du programme proposé à l’approbation du Fonds Arménien de France, citons encore l’étude agrotouristique méthodique de la région, l’établissement d’une station pilote en hydroponie
à Vérichen.
Bien que déjà bien rempli en ce début de printemps, l’agenda du Fonds Arménien de France au Syunik ne manquera pas de s’étoffer dans les limites de son budget. Une chose est sûre : que ce soit du côté de la population bénéficiaire de nos actions, des autorités et élus locaux, ou de notre côté, le désir d’avancer, ensemble et vite, est intense.